QUESNOY APRÈS LA GRANDE GUERRE : LES DÉBUTS DE LA RECONSTRUCTION 1918-1921

 

LE CADRE : GRANDE HISTOIRE ET HISTOIRE LOCALE Bistrot Histoire _ Quesnoy 23/10/2015 M. Bertrand


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Une ville qui s'éteint lentement

Jusqu'à 1917, la dégradation de Quesnoy est progressive. Au début de l'occupation, Quesnoy reçoit même quelques réfugiés de communes encore plus exposées. Les bombardements de 1914 et 1915 n'ont que des effets matériels limités, malgré les morts et blessés causés parmi les civils. Au début de 1917, environ 10 % des maisons sont détruites.

Mais la poursuite de ces bombardements entraîne un cumul de leurs effets alors que les réquisitions allemandes, l'absence de matériaux, de transports, de main d’œuvre qualifiée empêche des réparations sérieuses.

L'accroissement des combats au printemps 1917 rend la situation des civils intenable et l'évacuation, déjà partiellement réalisée, devient totale en mai-juin, au moins pour la partie agglomérée. L'incendie du clocher, même s'il est en fait accidentel, symbolise la destruction de Quesnoy.

Les Allemands, seuls à Quesnoy pendant plus d'un an, aggravent encore les destructions en incendiant les usines, en pillant tout ce qu'ils peuvent emmener et en dynamitant église et infrastructures à leur départ, en octobre 1918.

Le 17 mars 1917, l'incendie détruit le clocher d'une église déjà touchée, mais encore largement debout.

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En 1920, il ne reste que des pans de mur.

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Bilan humain

Evolution démographique L'état de la commune à la fin de la guerre :


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- 180 militaires (à peu près la moyenne nationale) et 45 civils tués, des blessés demeurés handicapés à proportion

- les civils décédés prématurément suite aux privations subies ne sont pas comptabilisés dans ces chiffres

- une population dispersée qu'on peut classer en 4 groupes

- une poignée restée sur place dans les hameaux

-quelques personnes parties par leurs propres moyens au début

- de nombreux évacués dans des communes proches notamment au nord-est de Lille (600 à Wattrelos)

- des rapatriés vers la France non occupée après un long périple passant par Évian, répartis ensuite dans toute la France


Bilan matériel

Un état établi juste après la guerre et repris par la municipalité en 1921 déclare 1126 des 1182 maisons de Quesnoy complètement détruites et 56 réparables. La quinzaine d'usines, les 4 écoles, l'hospice, existant en 1914 ne sont pas en meilleur état. Écluse, ponts routier et ferroviaire, voie du tramway sont détruits. Une grande partie des champs alentour ne sont plus cultivés. Même si cette évaluation est un peu exagérée pour justifier la demande de secours de la commune, les photos du centre de Quesnoy sont impressionnantes. Il faut ajouter la présence de trous d'obus et de tranchées à combler, de barbelés et d'engins dangereux à ôter... jusque dans la Deûle. Pour faire simple, les habitants rentrant sitôt l’armistice n'ont souvent ni logement, ni travail, ni moyens de communication et de subsistance.

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Loger ceux qui rentrent

Le retour des habitants est donc très progressif. La commune s'efforce de faire revenir d'abord les cultivateurs et les spécialistes du bâtiment. Peu de maisons étant habitables, beaucoup de gens logent dans des « maisons en bois », qui doivent être fournies par l'extérieur, et sont trop peu nombreuses, ou pire dans des baraquements, qui semblent des abris de fortune bricolés avec les moyens du bord... En novembre 1922, sur 2584 habitants :

- 570 vivent dans des maisons réparées

- 112 vivent en baraquements

- 162 vivent en maisons semi-provisoires

- 1740 vivent en maisons provisoires en bois.

Le maire décourage donc les rapatriés qui voudraient revenir et le manifestent dans des courriers mais ne peuvent se loger par eux-mêmes. Les listes d'attente de maisons de bois sont longues, les conflits entre réfugiés ou entre organisations diverses pour leur attribution fréquents. Il faut de plus souvent les compléter (toilettes) et les meubler.

Exemples d'habitat provisoire

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Déblayer les ruines

 

Dés la fin du conflit, les habitants réfugiés dans le voisinage et qui peuvent accéder à ce qui reste de leur maison commencent à déblayer. Mais si on ne peut loger sur place il faut déjà y arriver... une pétition des Quesnoysiens réunis à Tourcoing dénonce en 1919 le manque de transports. Faute de main d’œuvre, le déblaiement des voiries ne commence pas immédiatement. Une question va s'avérer difficile à résoudre : que faire des déblais ?

Il faudra qu'en 1920 la préfecture réquisitionne 4 ha de terrains industriels sur les 2 rives de la Deûle. Les habitants rentrés se trouvant souvent chômeurs -les usines sont détruites-, la mairie s'efforce d'obtenir que les Quesnoysiens soient prioritairement employés pour cette tâche. A noter que les seuls travaux de déblaiement sont évalués à 632 000 F en 1919.

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La présence anglaise

- en octobre 1918, des troupes anglaises remplacent les Allemands ; elles resteront jusqu'à l'été 1919
- les rapports avec la population -restreinte- sont meilleurs qu'avec les Allemands mais loin d'être parfaits ; les troupes n'obéissent qu'à leur propre commandement et les autorités locales doivent solliciter, voire quémander... Les litiges portent principalement sur l'usage des terrains et des bâtiments provisoires
- les Anglais aident à construire un pont provisoire sur la Deûle, à acquérir des baraquements -c'est l'objet du concert dont l'invitation est reproduite ci-après-, même si la mairie leur reprochera d'avoir emmené en partant des baraquements utilisés par eux-mêmes qui auraient  pu servir à la population (juillet 1919).

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Les outils de la reconstruction

- l’État remet en service les infrastructures, en premier lieu l'écluse (où on travaille dés juin 1919) et fournit certains moyens : baraquements, subsides divers... Les administrations se remettent en route relativement vite : dés 1920, postes, impôts, etc. fonctionnent - une coopérative de reconstruction est créée le 4 août 1919 ; son président est M. Lebrun (père de Léontine), son secrétaire Léon Bodé ; elle regroupe fin 1920 près d'une centaine de propriétaires et sera dissoute en 1935

- la commune essaie vainement de se faire parrainer par une ville étrangère (une tentative bénéficie de quelques dons (un égyptien généreux donne 500F)

- dés le départ, une est près d'aboutir avec une ville anglaise) ; elle main d’œuvre étrangère s'avère nécessaire pour combler le déficit de bras. Les Belges, nombreux dans le textile avant guerre, s'emploient dans le bâtiment. Au 1/1/1920, alors que la population globale est de l'ordre de 2000 habitants, on compte 140 Belges et 25 Portugais.

Reconstruction provisoire

la mairie ?

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le pont

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Préparation de la reconstruction
(sur un des terrains réquisitionnés?)

 

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Un projet urbain ambitieux

 

-14 mars 1919 Loi d'urbanisme qui va imposer des règles pour la reconstruction, avec des sortes de permis de construire et un contrôle préfectoral

- juin 1919 désignation rapide -et ultérieurement contestée- d'Edouard Lepercq, cousin du futur maire, comme architecte

- juillet 1919 premier projet de reconstruction du centre ville (cf. ci-après)

- décembre 1921 lancement de la reconstruction, après des aller-retours du projet avec la commission préfectorale, qui freine un peu les ardeurs des édiles quesnoysiens, et une promesse de financement majoritaire de l’État

Le projet ci-après veut créer une ville à plan géométrique, une grande place où se retrouveront mairie et église, des parcs avec même une « chute d'eau », des voiries rectifiées, élargies (pour les anciennes) ou carrément tracées là où il n'y a que ruines.

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Obstacles et limites de la reprise

- toutes les entreprises ne reviennent pas (parmi les plus grosses, Dervaux et Lesaffre oui, Dhalluin non)

- tous les rapatriés non plus : ceux qui 2 ans après la fin de la guerre s'entendent dire qu'il n'y a à Quesnoy ni logement ni travail cherchent d'autres solutions - des conflits d'intérêts divers vont rapidement réapparaître, ainsi que des incertitudes juridiques concernant les droits des uns et des autres, ce qui va ralentir la reconstruction

- l'argent, emprunté ou donné par l’État qui lui-même emprunte, va manquer ; l'ambitieux plan de rénovation urbaine ne sera ainsi que partiellement réalisé

- Quesnoy malgré tout, hors les travaux liés à la Deûle, va construire le centre ville que nous connaissons.


Sources principales:

- Archives municipales
- Fonds Léontine Lebrun
- Historioscope : quesnoy-sur-deule.historioscope.com/
- Article la voix du Nord : quesnoy-sur-deule.historioscope.com/